La Terre et les hommes
| Le Cadre communautaire| L’ASSEMBLEE des
habitants
On s’en fait souvent
une idée sommaire et on a tendance à la tenir pour négligeable par rapport au
rôle des Officiers Municipaux. Rien n’est plus faux.
En fait,
l’assemblée joue un rôle prépondérant,
elle nome les officiers Municipaux, et la plupart des décisions intéressant la
vie des communautés sont prises par l’ensemble des habitants réunis en
assemblée générale.
C’est le schéma
traditionnel, idéal, mais on se rendra compte qu’il y a eu une évolution.
Où ont lieu ces
assemblées ? Quand ? Qu’y fait-on ?
Ce tableau
élaboré d’après les registres de notaires[1] de
BASTELICA peut répondre à ces interrogations.
Périodicité des réunions :
Généralement elles
ont lieu le Dimanche ;
Si L’on prend comme
repères les trois années (les plus
fournies du tableau) :
1643
6
réunions dont 5 groupées en 3 mois
1644
5
réunions dont 3 le même mois.
1645
6
réunions groupées en 3 mois ;
Sans parler du trou
entre 1711 et 1716, on ne peut pas dire que ces réunions d’assemblée soient
régulières.
On s’aperçoit aussi que
sur une période plus importante en années, il y a quatre fois moins
d’assemblées au 18ème qu’au
17ème siècle, et cela s’explique, comme on le verra, autrement que
par les hasards de la documentation.
Localisation :
Les réunions ont lieu
sur la place de l’église du quartier, et quand elle concerne l’ensemble du
village sur la place de TRICOLACCI.
Il apparaît une
distinction entre « la terra de BASTELICA », c'est-à-dire l’ensemble
de la communauté villageoise, et les quartiers avec, par ordre
d’importance : TRICOLACCI, SANTO & VASSALACCI, DOMINICACCI.
On peut supposer que
les habitants étaient doublement « motivés » dans leurs choix
politiques. Au niveau du village, mais surtout au niveau du quartier. C’est là
une spécificité de BASTELICA qu’il importait de souligner.
Qui Participe ?
La formule que l’on
rencontre à chaque fois « La piu e maggiore parte delli homini e popoli del quartero » est assez
commode.
En fait, il semble
d’après les historiens, que les femmes participaient également aux réunions. Le
vote a lieu par acclamation.
Toute élection, pour
être valable aux yeux de l’administration génoise, doit être faite par les 2/3
au moins de la population,
MAIS les votes
n’étaient pas comptés.
Dans l’idéal
l’assemblée n’est convoquée ni présidée par qui que ce soit, et tous les
membres ont les mêmes droits. Cela semble être le cas à BASTELICA de 1641 à
1646, mais au début du 18ème siècle on constate que le notaire ne
cite que 14 individus dont 8 notables dans l’acte du 26/12/1707. On est loin
des deux tiers de la population.
Dans l’acte du
01/01/1708 il est bien question des hommes et du peuple de BASTELICA, mais
l’association avec les « maggiore et pères du
commun » laisse supposer que pour le choix des gardiens, c’est à eux
qu’incombe l’initiative de la décision.
Il y a passation du
pouvoir entre le peuple et ces derniers.
Objet des assemblées :
A trois exceptions près
(attribution de terres, présentation de revendications, location de terrains)
il s’agit d’élections de fonctionnaires municipaux et nous verrons que dans ce
domaine aussi, il y a eu une évolution évidente.
L’assemblée est souvent
appelée à prendre de décisions extraordinaires, en particulier dans le cas de
dépenses occasionnées par des travaux effectués dans l’intérêt général. En l’absence de finances organisées, les
sommes nécessaires doivent être évaluées et votées par l’assemblée générale.
Ces travaux collectifs sont financés par une taxe exceptionnelle, uniforme et
répartie en fonction des dépenses.
Ainsi en mai 1785[2],
c’est posé le problème du pont de ZIPITOLI près de BASTELICA, essentiel à la
communauté pour sa communication avec son territoire, les communautés voisines
et la ville d’AJACCIO.
Ce pont menace ruine
depuis longtemps. La somme nécessaire pour remettre ce pont en état est de 300
lires. La répartition est absolument nécessaire et urgente. Les officiers
municipaux délibérèrent sur les moyens que les habitants voudraient employer
pour se procurer cette somme. Les trois quartiers qui composent la communauté
sont soumis à payer 100 lires chacun au mois d’août qui est le terme le plus
convenable pour cette réparation, car la communauté se trouverait dans le plus
grand embarras en cas de chute de ce pont, chute inévitable s’il n’est pas
réparé avant la venue des eaux du mois de septembre prochain.
Une autre affaire de
pont avait ému la population de BASTELICA en 1783[3].
Il s’agissait du pont de LA VANNA situé près du village d’ECCIA, indispensable
à la communication des communautés de la «pieve»
de CAURO entre elles. Or, ce pont
n’existe plus car il a été détruit. Il fallait donc le reconstruire mais OCCANA
et ECCIA ont exigé que cette réparation se fasse aux frais de toutes les
communautés de la «pieve» .
Les officiers
municipaux de BASTELICA appelés en délibération au jour indiqué, n’ont pas jugé
bon de s’y rendre. Il est dit également dans cet acte que « C’est leur usage et j’éprouve dans toutes
les circonstances la mauvaise volonté de cette communauté qui ne se corrigera
pas si on ne sévit pas avec rigueur ».
Dans la réponse du
subdélégué d’AJACCIO on peut lire : « le refus fait par les officiers municipaux de BASTELICA de se rendre à
l’assemblée qui a lieu pour cet objet mériterait punition. Vous voudrez bien
pour cette fois vous borner à les prévenir que je suis instruit de leur
conduite et très déterminé à les punir avec sévérité s’il leur arrivait encore
de ne pas se conformer aux ordres qu’ils reçoivent ».
Ce refus à
l’obéissance, la communauté de BASTELICA va aussi l’exprimer le 14 mai 1785[4] à
propos d’une dîme. Le procureur des trois quartiers qui composent la communauté
de BASTELICA demande d’autoriser les officiers municipaux à convoquer
l’assemblée pour délibérer sur les moyens convenables au paiement de la dîme en
faveur du séminaire d’AJACCIO, sous prétexte qu’il n’est pas rétabli. Une
requête envoyée à cet effet, est rejetée,
et les officiers municipaux de BASTELICA sont condamnés solidairement à 24
lires d’amende car ils n’avaient aucun droit sur les dîmes et le podestat est
condamné à 12 lires d’amende pour avoir empêché le greffe de la municipalité de
délivrer expédition de l’acte de délibération de la communauté.
Ces trois exemples de
la fin du 18ème sont significatifs. Il s’agit bien de délibérations
d’assemblées, mais à chaque fois ce sont les officiers municipaux qui
tranchent, décident, prennent des initiatives.