Voilà ce que l’on peut dire sur les grandes
lignes de l’organisation administrative, économique et sociale de BASTELICA aux 17ème et 18ème
siècles. Une telle étude étendue sur deux siècles finalement mal connus de I’histoire de la CORSE, amène plus de questions que de
conclusions affirmatives.
Doit-on parler d’autoconsommation quand on ne
connaît pas les rapports économiques directs qu’entretiennent les habitants de
BASTELICA avec ceux des villages
environnants et de la ville d’AJACCIO. Certes, il y a des importations,
c'est-à-dire que BASTELICA se procure,
hors de son territoire, certaines denrées indispensables. Mais ces bergers
vendent-ils leurs productions -celles qui sont excédentaires (bétail, châtaignes)-
aux marchés de la ville ou bien se contentent-ils d’en faire profiter les leurs ? Rien dans
notre documentation[1] ne nous a permis de
répondre avec précision à cette question.
Le rapport
économique entre la ville et le village s’est résumé pour nous à une
situation de conflit sur les pâturages de
la plaine.
Doit-on parler de richesses, de pauvreté? A
quel moment ? Par rapport à quoi ?
BASTELICA, village de l’intérieur de l’île, vit
plutôt replié sur lui-même, surtout si on compare sa situation avec celle des
communautés du CAP CORSE par exemple, où la mer permet un contact immédiat avec
le dehors, c’est à dire le progrès et peut-être la prospérité. Ce que l’on peut
dire, c’est que le vieil équilibre avec la stabilité économique (élevage
extensif sans entrave, social) les
nobles et les autres, a été rompu très tôt, dès la fin du 16ème
siècle. Un nouvel équilibre s’installe fondé sur des structures faisant de plus
en plus de place à l’individualisme. Pour BASTELICA, l’évolution est
inexorable, mais le problème serait de savoir dans quelle mesure
la communauté du village y a résisté.
Dans le domaine économique, il y a la
dislocation du système agro-pastoral, provoquée par les conflits entre
l’agriculture et l’élevage. Et le symbole
de la victoire de l’agriculture, c’est la perte par BASTELICA de ses
territoires à la plaine au profit de la Ville d’AJACCIO au 19ème siècle.
Mais, déjà dans notre période, les éleveurs bastélicais
ont de plus en plus de mal à faire transhumer leurs troupeaux. En même temps,
la vocation pastorale de la Communauté se précise tans la mesure où elle a de
grandes difficultés à assurer la liaison avec la plaine et ses cultures.
C‘est peut-être pour cela aussi que la mainmise
de la propriété privée n’apparaît pas si évidente. La rupture est moins brutale
que dans d’autres région de la CORSE, comme le prouve la quantité encore
importante de biens communaux à BASTELICA à la fin du 17ème siècle.
Dans le domaine social, on débouche sur des
incertitudes. BASTELICA, comme le reste
de la CORSE subit de plus en plus l’emprise de la classe des notables qui
accaparent les charges municipales et animent l’activité économique. Mais là
encore, grâce peut-être à la solidarité des
éleveurs contre les agriculteurs, l’évolution est moins nette que dans
les régions à vocation agricole. Car, si
tout la monde est propriétaire on peut se demander qui exploite et qui est
exploité ? Ce qui sépare le “gio” du “non gio” n’est-ce pas essentiellement le titre ? Il faut nuancer l’affirmation
que l’individualisme agraire s’est imposé à partir du 18ème
siècle dans une région comme BASTELICA
où l’élevage rapporte plus que l’agriculture, le notable qui possède de
nombreux troupeaux a intérêt à limiter
les progrès de l’individualisme agraire, alors que le popolo, qui n’a pas un troupeau
important mais qui a toujours un petit lopin de terre, réclamera des mesures
contre le libre parcours.
BASTELICA a eu beaucoup de mal à passer le cap
de ce que l’on peut appeler la « crise communautaire »”. Même si sa
vie communautaire et son organisation sociale n’ont pas été vraiment
bouleversées, pour rester fidèle à sa vocation pastorale, BASTELICA a dû faire
des concessions à la poussée de l’individualisme agraire.
Au 19ème siècle l’élevage va
rencontrer de nouveaux obstacles avec une législation franchement favorable à
l’agriculture et la propriété privée. Avec le partage des biens communaux la
plage cesse d’être une annexe pastorale de la montagne.
Le 20ème siècle sera celui de la
décadence pour BASTELICA.
RONDEAU[2]
écrit en 1964 : « la décadence de BASTELICA est plus apparente que
réelle. Certes, la population décroît rapidement, et il ne reste pas 1.000
habitants en permanence dans cette agglomération de quartiers qui forme la
ville de BASTELICA. Pourtant, le pays
n’est pas abandonné, les prairies, les alpages sont comparables à ceux du
NIOLO. Les effectifs des troupeaux sont confortables, officiellement plus 800
bovins et près de 3.000 porcs, mais seulement 260 moutons, ce qui est sans
doute sous-estimé ».
C’est que les bastélicais
habitent de plus en plus dans leur ancienne colonie de BASTELICACCIA aux portes
d’AJACCIO quand ce n’est pas à AJACCIO même.
Le bourg de BASTELICA tend de
plus en plus à être une résidence
d’été pour les retraités d’AJACCIO.