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familles à BASTELICA
Les familles à BASTELICA
BIGOT [1]
note au 19éme siècle
que : « en général, les familles sont nombreuses, la fécondité
n’effraie ni les pères ni les mères…….on ignore absolument qu’il puisse exister
une loi économique qui, contrairement au christianisme et à la morale, enseigne
à limiter vivement le nombre des enfants dans les ménages »
Les archives[2] de
la mairie de BASTELICA, malgré leurs lacunes importantes, sont très utiles à
cet égard: elles nous permettent de reconstituer les groupements familiaux et
même de les localiser dans le village ; mais un document que l’on peut
dater de 1648 nous permet de dresser une liste des habitants de BASTELICA en
associant chaque individu à ses racines familiales.
Localisation
|
DOMINICACCI |
SANTO |
VASSALACCI |
TRICOLACCI |
Nombre d’habitants |
377 |
145 |
217 |
537 |
Nombre de foyers[3] |
64 |
28 |
42 |
99 |
Nombre « d’isolés [4]» |
21 |
5 |
14 |
45 |
Commentaire du tableau
TRICOLACCI est le hameau principal, DOMINICACCI
et VASSALACCI sont moins importants et SANTO reste un peu plus loin.
Mais il faut dépasser la simple localisation
pour explorer en détails les trois directions envisagées.
Le nombre d’habitants
1276 pour l’ensemble du
village ( plus si l’on tient compte des pages manquantes). C’est bien dans la
logique de l’évolution du 17ème siècle.
Les « isolés » :
85 pour l’ensemble du
village. On peut distinguer :
- Ceux qui vivent seuls
33 personnes entre 35 et
70 ans.
- Ceux qui vivent à
deux 5 cas : le fils de 22 ans et la mère de 43 ans.
4 cas d’oncle ou tante vivant avec les neveux
et nièces.
12 cas Des frères et sœurs vivant ensemble entre 2 et 10 ans de
différence d’âge :
parfois très jeunes : frère de 15 ans,
sœur de 12 ans.
Les plus âgés : frère 50 ans, sœur 40
ans.
- Ceux qui vivent à
trois = 4 cas :
BARBARA D’ANDREA 46
ans, ses neveux 13 et 18 ans.
CARLO ANTONIO DE PAOLO,
18 ans, ses tantes : 30 et 40 ans.
GIO BATISTA DE
MARTINENGHI , 40 ans, sa sœur 21 ans, sa nièce 8 ans.
MARIA DE GIO MATTEO ,
36 ans, ses neveux : 10 ans et 7 ans.
- Ceux qui vivent à
quatre 1 cas :
ANTONIO DE SIMON , 30
ans et ses trois sœurs : 20, 15 et 10 ans.
Il apparaît que les gens les plus âgés vivent
seuls, ceux d’âge mûr vivent en famille, sinon en foyer, avec des parents plus
ou moins proches : mère, frère, sœur, tante, oncle, neveu, nièce. Mais la
grande masse de la population vit dans un cadre familial authentique.
Les foyers :
On peut distinguer :
- Les veufs ou veuves qui élèvent les enfants
et qui s’entourent souvent de parents . On compte 77 de ces « demi
foyers ».
- Les foyers avec deux couples, c'est-à-dire où
les enfants mariés vivent avec leurs parents. On compte 13 exemples de ces
« doubles foyers ».
Nous nous attarderons d’avantage sur la cellule
familiale traditionnelle, c'est-à-dire le père et la mère, les enfants et les
parents qui vivent dans le même foyer.
Couples |
Nombre |
Sans enfants |
12 |
1 enfant |
16 |
2 enfants |
19 |
3 enfants |
44 |
4 enfants |
27 |
5 enfants |
10 |
6 enfants |
6 |
7 enfants |
1 |
8 enfants |
2 |
Avec le
réseau traditionnel familial qui vient s’y greffer.
Il ressort de cette étude que plus de la moitié
des familles à BASTELICA ont de 3 à 4 enfants, une autre grosse parie de 0 à 2
enfants, alors que les familles nombreuses (7 à 8 enfants) sont rares. Encore
une fois, on peu expliquer cette situation par l’économie.
L’élevage transhumant nécessite un personnel important, mais l’autoconsommation
permet difficilement de subvenir aux besoins d’une famille trop importante.
Pour le 18ème siècle, on aura
recours aux patronymes, mais cette technique pose problème[5].
Avant 1778, où les noms
patronymiques apparaissent à BASTELICA dans les actes passés devant notaire et
dans les registres paroissiaux, il était très difficile de situer une famille
car seuls les nobles disposaient d’un patronyme. Les paysans sont désignés par
leur prénom suivi de celui de leur père : GIACOMO de PAOLO par exemple.
Cependant, dans les
registres paroissiaux de BASTELICA, on relève quelques formes de prénoms
employés au pluriel qui ont des allures de patronyme.
1622
SIMONETTI,
BATTINI
1623
GIACOMETTI,
BERNARDINI
Dans les registres
1707/1728, on voit apparaître quelques patronymes. Ce sont d’abord les noms des
scribes, puis ceux d’ecclésiastiques généralement d’origine Italienne. Enfin
quelques notables locaux :
1707
Il
Nobile DOMENICO FOLACCI
1710 ANTON PADOVANI
1710 ANDREA LECA
1718 LUCIANO DI MASSARO NUNZIO
1718 PAOLO LECA
1718 AGOSTINO MARTINENGHI
Cependant ces
apparitions de noms à allure de patronyme restent très épisodiques, et pour
voir vraiment apparaître les noms de famille, il faut attendre le dernier
registre de BASTELICA : 1772/1794 grâce auxquels on peut constituer la
première liste des noms de famille typique de BASTELICA. En 1797, il y avait à
BASTELICA 68 patronymes de familles pour quelques 1800 habitants[6].
Chaque famille, chaque
foyer fait partie d’un groupe, d’un clan issu d’une origine commune ancienne et
que désigne un même nom générique. Ainsi certaines familles de BASTELICA se
sont étendues par une pratique appelée l’ABERGO : association de plusieurs
familles sur le nom d’une famille chef de clan.
Exemple la famille
FOLACCI qui a englobé des familles qui portaient à l’origine un tout autre
patronyme.
Finalement, on a à BASTELICA
une population importante en augmentation croissante au 17ème siècle
grâce à la paix génoise, alors que la régression du début du 18ème
siècle correspond à des crises de mortalité. Mais, à la fin du 18ème
siècle, le chiffre de population dépasse celui de la fin du 17èmeet
la croissance reprend de plus belle.
Le problème est de
savoir si avec l’autarcie, l’archaïsme, cette communauté fortement peuplée est
capable d’assumer son développement économique.
[1] Maximilien BIGOT : « Paysan Corse en communauté : Berger, porcher des montagnes de BASTELICA, d’après les renseignements recueillis sur les lieux en 1869. » BASTIA 1971 page 4
[2] Archives de la Mairie : Registre 1622/1648
[3] Par foyer, j’entends ici, un groupe d’individus autour du noyau familial représenté par deux époux. (cela reste valable lors de la disparition de l’un des deux)
[4] Par « isolés », j’entends les autres, c'est-à-dire les personnes vivant seules ou avec des parents. (à l’exception des couples avec ou sans enfant)
[5] professeur GIUSTECCI : »Surnoms de famille dans le village Corse de BASTELICA » dans « Revue Internationale d’onomastique » n° de janvier et avril 1971, pages 31/47 et 105/116.
[6] Il faut distinguer cette notion de famille d’après un patronyme de la notion de feu, de foyer chère aux 17ème et 18ème siècles. Car si l’on considère qu’un feu groupe 5 personnes, en multipliant 68 par 5 (340), on obtient un chiffre bien inférieur à celui de la population réelle (1800 habitants).