La Vie économique| L’Artisanat et le Commerce| Le Commerce
GENES n’a pas joué pour le Commerce le même rôle
bénéfique que pour l’Agriculture.
En 1756, lors d’une mission de reconnaissance en
CORSE, l’abbé ESQUILLY relevait comme un obstacle majeur la pénétration dans le pays l’état défectueux
des voies de communication. : « Il n’y a pas encore de grands
chemins où les voitures puissent passer. Ce sont surtout des sentiers et des
labyrinthes. »
La monarchie Française va chercher à améliorer les
voies de communications défectueuses.
Les chemins sont divisés en trois classes
Royaux
Provinciaux
Communaux
Les chemins communaux vont d’une communauté à l’autre
et leur entretien est assuré par des corvées dont sont exempts les
ecclésiastiques, les nobles, les officiers municipaux, les pères et mères de
huit enfants vivants, les nouveaux mariés et les colons français ou étrangers
(les trois premières années de leur établissement)
Ces chemins sont à la charge de la communauté et leur
entretien ou réparation doit se faire chaque année en avril et septembre.
Chaque habitant doit fournir une journée de travail.
Ces mesures tendent à favoriser le commerce extérieur.
Mais malgré ces améliorations, les communications restent difficiles au 18ème
siècle, d’autant plus que les dépenses pour l’entretien des chemins restent
encore trop lourdes pour la communauté.
BLANQUI[1]
écrit : « Ce que l’on appelle chez nous route départementale c’est
dans ce pays d’affreux chantiers à peine praticables aux chevaux et aux
chèvres….. La vue du paysan ne s’étend pas au-delà du territoire de son
village, personne ne va le voir, et il ne va voir personne. »
Le commerce se concentre surtout dans les villes où
les producteurs apportent leurs produits. Ainsi les marchands publics
d’AJACCIO, (parmi lesquels on trouve en 1585 des BONAPARTE), exporte des
produits de l’île, mais desservent aussi les populations des villages
environnants en céréales.
Eté comme hiver, leurs « facteurs » font le
tour des communautés pour vendre les marchandises et percevoir le montant des
dettes de l’année précédente. Ce trafic est rentable, et en 1716 les marchands
d’AJACCIO font appel au Gouverneur pour lui demander que leurs représentants ne
soient pas chassés du village où ils commercent, ce qui pourrait permettre à
des marchands étrangers (napolitains) de les remplacer.
Le paysan peut difficilement se détacher de cette
emprise économique, car l n’a aucun moyen de défense.
Comme la communauté assure en priorité le
ravitaillement de ses membres,les relations avec les
communautés voisines se limitent à l’échange de quelques produits, mais souvent
les économies ne se complètent pas, et le cloisonnement géographique rend
difficile les communications.
Chaque pieve cherche à se suffire à elle-même
et le trafic intérieur n’est guère considérable. Tous les produits de récolte
sont transportés par des bêtes de somme et certains produits font l’objet
d’échanges entre régions de cultures diverses. On a vu que des secours en
grains étaient organisés lors des mauvaises récoltes ou au moment des
semailles. Il n’y a pas de marché dans la communauté, c’est pourquoi de
nombreux marchands ambulants parcourent les communautés à dos d’âne.
En vérité, faute de documents, il est difficile de
dresser un bilan des échanges intérieurs. C’est pourquoi on a encore recours à
ce que dit BIGOT [2]à ce sujet : « le
froment que l’on consomme est en partie importé du dehors à l’état de grain et
moulu dans le pays. On importe aussi une grande quantité de farine d maïs…. Le
vin et l’huile d’olive sont apportés des pays de la plaine dans des outres de
peau de bouc à dos de mulet… BASTELICA tire encore du dehors le fer destiné aux
travaux des forgerons, le vitriol, vert et le bois de campêche nécessaire pour
préparer les teintures que l’on applique sur le drap corse, toutes les denrées
d’épicerie…. Des pays voisins arrivent aussi les fruits, le tabac et un
complément de filasse de lin. »
Cependant, il y a une activité commerciale assez
méconnue, mais importante pour BASTELICA : le commerce de la neige[3].
La zone méditerranéenne a toujours joui, en matière de
rafraîchissement des boissons d’un privilège remarquable : les fortes
pluies hivernales, sous forme de neige sur des montagnes très proches de foyers
prospères et actifs de vie urbaine. Cela a déclenché, dès l’antiquité un actif
commerce estival de neige.
CAMPI[4] :
« En été, au moment des fortes chaleurs, le conseil des anciens
d’AJACCIO avait la sage prévoyance de faire approvisionner la ville de neige.
C’était le moyen de rendre potable l’eau saumâtre des pluies de la cité.»
La fourniture de neige fait l’objet d’un contrat passé
devant notaire en présence du capitaine génois. Le registre de Giuseppe
CINCHIO ; notaire à AJACCIO, nous apprend que par acte du 18 mars 1643,
Giorgio de Paolo et Giovan de Batista, tous deux de
BASTELICA, obtiennent la fourniture des neiges à faire su 15 juin au 30
septembre 1643. Il est dit que chaque jour où la neige viendrait à manquer, les
fournisseurs paieraient une amende de 4 lires.
AJACCIO, à proximité de vastes champs de neige qui se
conservent pendant la plus grande partie de l’été, a toujours eu abondance et
facilité en la matière. BASTELICA est très bien placé pour lui en fournir et
bénéficie d’un accès facile aux champs de neige, qui permet de charger
directement sur les bêtes de somme, en limitant au maximum le transport à dos d’homme.
Chaque jour, les habitants de BASTELICA vont chercher
dans le RENOSO des blocs de neige qu’ils descendent à AJACCIO enveloppés dans
de la fougère séchée pour ralentir la fonte.
Les muletiers vont chercher la neige, l’après-midi
près du lac de VITALACA au sud-ouest de la cime du RENOSO et la rapportent au
village au coucher du soleil. Elle est descendue à AJACCIO dans la nuit, pour
éviter la fonte. Au 19ème siècle, un conflit éclatera entre
BASTELICA et BOCOGNANO sur le commerce de le neige.
LE TERRIER indique au sujet du commerce que « les
habitants cultivent plus que pour leurs subsistance. Lorsque les années
abondantes leur donnent du superflu en grains, en châtaignes, sur le produit du
troupeau ou d’autres denrées, ils les échangent pour des marchandises de
première nécessité. Le commerce a peu de vigueur, malgré que les communications
soient faciles avec la ville d’AJACCIO, le chemin étant assez bon et toute la
rivière ayant des ponts. »
Et pour la plaine, « Pas d’habitant,
pas de commerce ».
[1] M. BLANQUI : « Rapport sur l’état économique et moral de la CORSE en 1838 » PARIS 1843 Page 37
[2] Maximilien BIGOT : « Paysan Corse en communauté : Berger, porcher des montagnes de BASTELICA, d’après les renseignements recueillis sur les lieux en 1869. » BASTIA 1971 page 5
[3] X. DE PLANHOL : « L’ancien commerce de la neige en CORSE »
Méditerranée n° 1 janvier-mars 1968
[4] CAMPI : « Notes et documents sur la ville d’AJACCIO » 1901 Page 43