Aspects de la vie sociale…| L’emprise de
la Religion| Moralité et influence du clergé
On a vu que depuis le
16ème, et sûrement avant, les affaires publiques se traitent dans
l’église paroissiale le dimanche après la messe, ou sur la place de l’église.
C’est bien la preuve que l’église du village est considérée comme le centre de
la vie publique de la communauté. Une étude de la société aux 17ème
et 18ème siècles ne saurait être complète sans dresser un tableau de
la vie religieuse. De l’avis général des observateurs de ce temps, le Corse est
extrêmement dévot et l’église intervient dans la vie de tous les jours.
Qui se fait
prêtre ? Le notable, le « gio »
d’abord. POMPONI[1] note qu’il est rare que
dans une famille de « principali »,
un ou deux des enfants ne soient pas destinés à entrer dans les ordres. Mais
ils ne peuvent accéder aux plus hautes charges car les évêques sont nommés par
le pape.
C’est au niveau intermédiaire que le notable
exerce sa fonction religieuse.
Pour les humbles, il y a les avantages de
trouver un gîte, un moyen de subsistance, d’être exempté de l’impôt, ainsi que
d’autres privilèges. L’humble rentrera
dans le clergé régulier, s’intègrera à la vie de la communauté. Car le moine
vit d’aumônes et est en contact permanent avec la population dont il connaît
les misères.
Pour le « gio » il y a
surtout la considération. Il devient archidiacre, vicaire forain, chanoine, pievan, rettori.
Pour obtenir la tenue
il suffit de fournir un certificat de « bonne vie et de bonnes
mœurs » délivré par le clergé.
Le concile de TRENTE
accentue encore cette « église de classe » en prescrivant la
possession d’un patrimoine (minimum 120 lires par an) pour les charges assez
élevées
Il est difficile de connaître le nombre de
prêtres à l’intérieur de la communauté. Le seul chiffre dont nous disposons
pour Bastelica est donné par FUMAROLI[2]
d’après le recensement de ROSTINI : 10 prêtres au milieu du 18ème.
Il est difficile de discuter de la compétence
ou de la moralité des prêtres. Retenons cependant ce qu’en dit BLANQUI[3] :
« Les prêtres ne sont pas à la
hauteur de la mission utile que les ministères les appellent à accomplir. Ils
n’y ont pas été préparés par d’assez fortes études, et leurs prédications ne
sont que de simples paraphrases de quelques textes mal choisis des livres
saints. »
BIGOT[4]
remarque que le clergé a en général peu d’influence sur les populations :
« les études se faisaient tard, les
jeunes prêtres apportaient une instruction insuffisante, une vocation douteuse
et le souvenir des traditions de famille. Le même auteur insiste sur
l’importance des superstitions qu’il serait trop long d’énumérer. Citons
pourtant : « Le mauvais œil, les histoires de voix entendues la nuit,
les apparitions, la découverte d’une prochaine naissance dans le foie d’un
cochon, l’avenir lu sur l’os de l’épaule d’un mouton ou sur la coquille d’un
œuf, etc. …..
[1] François POMPONI :
« Essai sur les notables ruraux en Corse au 17ème » Page 40
Publication des Annales de la
Faculté des Lettres d’Aix en Provence Série Tavaux et Mémoires n° XX 1962 AIX
[2] Dominique FUMAROLI : « La pieve de BASTELICA, esquisse historico géographique ». page 5
BASTIA BSSHNC n° 425/428 2ème trimestre 1921
[3] M. BLANQUI : « Rapport sur l’état économique et moral de la CORSE en 1838 » PARIS 1843 page 17
[4] Maximilien BIGOT : « Paysan Corse en
communauté : Berger, porcher des montagnes de BASTELICA, d’après les
renseignements recueillis sur les lieux en 1869. » BASTIA 1971 pages 9 et
11