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Aspects de la vie sociale…|Les groupes sociaux| Définitions

 

Les Groupes Sociaux

 

Définitions

Il est difficile de parler de « Classe sociale » avec ce que cela comporte de notions modernes d’oppositions et de conflits. Mais, on ne peut pas n on plus retenir la vision idéaliste communautaire, par trop égalitaire.

Dans la réalité de la vie quotidienne (telle qu’elle apparaît dans les registres des notaires de BASTELICA) on peut distinguer deux catégories de personnes :

Les « Gios » (Magnifici, capitaines et caporaux)

Qui sont les « capolari » ?

Ce sont les chefs du peuple que GENES a  aidé à accéder au pouvoir parce qu’elle voulait les rallier à sa cause dans sa lutte contre la féodalité Corse.

Au début du 15ème Siècle, les caporaux s’imposent en maîtres du peuple. GENES leur reconnaît un statut spécial avec des avantages honorifiques et matériels (comme l’exemption de la taille).

En fait, il faut se montrer prudent avec l’emploi de ces termes. Les anciens notaires donnaient avec une grande légèreté le titre de « noble magnifique » à leurs clients notables même dépossédés de leur prestige ou de leurs droits par GENES. Par contre les titres de  « caporaux, capitaines ou podestats » sont moins discutables, car ils s’appliquent à une fonction

Le « popolo »

Tous ceux qui n’ont pas de titres, ni de patronymes, c’est-à-dire la majorité de la population du village.

Ils sont désignés par leur prénom suivi de celui de leur père.

 

A la tête des notables, on trouve les grandes familles nobles ou considérées comme telles parce que seules elles ont un patronyme.

Monseigneur DE LA FOATA[1] dresse une liste des familles seigneuriales à BASTELICA.

1625  Capitaine ISTRIA de BASTELICA

1627   Le noble Antonio BOZZI, Capitaine Ludivico ISTRIA, Le magnifique Giacomo Santo du seigneur BOZZI (qui a donné 4000 lires de dot pour sa fille au noble PASQUALE, père du noble Francesco MARIA).

1641  Lieutenant-colonel Anton Francesco ROMANO et le noble Paolo BOZZI.

1659  Capitaine Rinuccio d’ORNANO.

1670  Anton Francesco d’ORNANO

 

D’après l’historien ROSSI[2], les familles les plus considérées de la communauté étaient les FOLACCI, PAOLI, PIETRI, PERALDI, BENIELLI et COSTA.

Dans les registres des notaires que j’ai consultés, un nom revient souvent : « Magnifico MATTEO du noble GIO NATALE »

Une légende s’attache à ce personnage.

FUMAROLI[3] raconte qu’au 17ème siècle vivait à BASTELICA un homme qui passait pour être un sorcier : c’est le Magnifico MATTEO.

« -Vends-moi ton âme » lui dit Satan « et demandes ensuite ce que tu voudras. »

« Puisque tu es si puissant tend une corde de sable de cette montagne à l’autre » réplique le noble MATTEO.

Satan vaincu ne souffla plus mot.

Sa maison existe encore, on y lit : « Le mérite n’est rien si la fortune est contraire. »

Le Magnifico MATTEO etait-il un savant de l’époque, un maître d’école ou un philosophe ?

 

La famille la plus importante du village est sans conteste celle des COSTA.

Ils possèdent un manoir[4] situé sur la lisière nord-ouest de BASTELICA. Auparavant, il était représenté par une tour construite au 15ème siècle par Geronimo di COSTA. Brûlé en 1535, il fut restauré et agrandi en 1645 par Michel COSTA, capitaine des carabiniers d’Edouard III FARNESE, Duc de PARME.

C’est la construction la plus luxueuse du village avec un air de château du 17ème siècle. Le troisième étage est de 1804 et porte les initiales F.M.C. (François-Marie COSTA).

Les fenêtres sont grandes, symétriques  par rangées de 5.

Quatre créneaux (ou « archeri »), ménagés entre les fenêtres du premier étage sont surmontés de gravures, représentant une épée, une arbalète, un estramaçon et un poignard.

L’intérieur est fastueux : livres, meubles rares du 18ème, tapisseries datant du 15ème siècle et armes à feu.

Au 17ème siècle, le fils du capitaine Michel COSTA, MESSER ALEXANDRE COSTA, épouse ALDERABELLA BONAPARTE.

Pendant la révolution, le chef de la famille COSTA est François-Marie, homme très cultivé et actif, médecin à PERPIGNAN. Il rentre à BASTELICA et de 1786 à 1788 constitue un dossier nobiliaire remontant au début du 16ème siècle.  Jusqu’en 1791, il signe les délibérations et les procés-verbaux de l’ASSEMBLÉE de la Communauté de BASTELICA.

En 1793, François-Marie COSTA fit sonner le tocsin et rassembla ses bastélicais pour protéger la famille BONAPARTE contre la fureur des Paolistes.

Il fut ensuite nommé Commissaire du directoire Exécutif et résida à AJACCIO.

Farouches partisans de NAPOLEON, les COSTA de BASTELICA figurent sur son testament. L’EMPEREUR leur légua 100.000 Francs.

Si l’on connaît ces familles  ou ces personnages, c’est parce que très tôt ils ont eu un patronyme. Mais il n’en va pas de même pour la grosse masse de la population, que ce soit des « gio » (dont la plupart n’ont pas de patronymes) ou des « non-gio ».

Mais je crois que ce n’est pas seulement sur cet aspect qu’il faut baser notre étude de la Société villageoise. Ce n’est pas obligatoirement par son nom qu’un individu, noble ou pas, s’affirme dans une société donnée.

Je pense qu’il faut s’élever contre cette schématisation  facile entre le « gio » qui s’enrichit, et le « popolo » qui s’appauvrit et que l’on exploite.

C’est peut-être vrai dans certaines « pieve » ou communautés, et faux dans d’autres.

En fait c’est dans la réalité de tous les jours, dans leurs activités économiques et financières, dans leurs opérations dotales ou testamentaires que l’on voit se dessiner la vrai distinction entre deux catégories sociales : ceux qui vendent et ceux qui achètent, Ceux qui prêtent et ceux qui empruntent, ceux qui donnent et ceux qui reçoivent, c'est-à-dire les riches et les autres.

Aura-t-on le schéma traditionnel ; « gio » riche et « non-gio » pauvre ? « gio » exploiteur et « non-gio » exploité ?

C’est la réponse essentielle que nous pourrons tirer des tableaux qui suivent.

·        Tableau des Reconnaissances de dettes

·        Tableau des testaments

·        Tableau des dots

·        Tableau des échanges

·        Tableau des donations

·        Tableau des ventes

 

 

 

 



[1] Monseigneur DE LA FOATA :  « Recherches et notes diverses sur l’histoire de l’église en CORSE »

 BASTIA 1895

[2] ROSSI cité par FUMAROLI ( note 3)

[3] Dominique FUMAROLI : « La pieve de BASTELICA, esquisse historico géographique ».

BASTIA  BSSHNC n° 425/428 2ème trimestre 1921

[4] Le manoir des COSTA à BASTELICA, dans « Le Petit Marseillais », 24/10/1935