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Introduction

 

 

Pour l’historien de la CORSE, le nom  de  BASTELICA ne peut-être inconnu. N’est-ce pas le village natal de l’un de ses plus grands héros, le plus grand peut-être de l’histoire de l’île ?

SAMPIERO CORSO y naquit en effet le 23 Mai 1498.

 

En fait, la localisation exacte de cette naissance donne lieu à une contestation. Il aurait vu le jour non pas à BASTELICA même, mais comme le signale Monseigneur de la FOATA[1]  d’après un manuscrit du Père Antoine Jean CALVESI, ami et contemporain de SAMPIERO, Il serait né à MINUSTI sur le territoire de BASTELICACCIA[2] . L’auteur ajoute que GENES donna à sa famille un domaine sur le territoire de BASTELICACCIA, en récompense d’un pont que cette famille a bâti sur le torrent du PRUNELLI.

SAMPIERO, grâce à une parenté éloignée (il appartient à une branche secondaire des ORNANO), mais surtout par son tempérament volontaire et par sa propre parenté bastélicaise, va  s’imposer dans cette grosse population concentrée dans une haute vallée où elle s’isole. A BASTELICA, il va pratiquer le goût des longues courses et de la vie rurale dans l’indépendance  matérielle et presque politique[3].

Les contacts extérieurs, SAMPIERO et les habitants du village les ont à AJACCIO, dont ils occupent une partie de la plaine.

SAMPIERO va manœuvrer avec les gens auxquels il s’est imposé dans une vaste étendue montagneuse qui lui offre toutes les possibilités s’imposer dans cette grosse population concentrée dans une haute vallée où elle s’isole. A BASTELICA il va pratiquer le goût des longues courses et de la vie d’exploitation et tous les gages d’indépendance.

En 1564, trois ans avant la fin tragique de son héros, BASTELICA va connaître un drame terrible puisqu’il sera incendié par les troupes génoises, et la maison de SAMPIERO « rasée jusqu’au sol. »[4]

BASTELICA, c’est donc d’abord la grande HISTOIRE.

L’origine du village est assez difficile à déterminer, et il n’y a que des hypothèses fondées sur la légende. Ce que l’on peut dire avec certitude, c’est que l’appellation originaire est : BASTERGA, nom que l’on retrouve dans toutes les archives antérieures au 18ème siècle.

Dominique FUMAROLI[5] relate qu’au 10ème siècle, Augusto (vaillant chevalier romain) obtint grâce à de signalés services contre les maures, le « fuminale » (la vallée) de CAURO. Mais il ne se contenta pas de ce lot : il voulait aussi la BASTELICACCIA, parce qu’elle était habitée par des bastélicais.

Il est certain que le canton a été habité de bonne heure à cause de la fertilité des terrains.

Mais on peut remonter plus loin encore dans le temps et se demander, comme le fait le même FUMAROLI, à quelle race appartenaient les premiers habitants de BASTELICA. En ce domaine on ne peut faire que des hypothèses, car si des vestiges préhistoriques ont été découverts par des paysans pendant leurs travaux agricoles, ces témoignages n’ont pas été conservés.

On a donc recours à la toponymie.

Première remarque : les noms de lieux sont bien différents de ceux de la  CORSE septentrionale : ZONZA, GHISONI,

BASTELICA, TOLLA, OCANA ne sont ni d’origine latine, ni d’origine grecque. Mais on peut trouver des ressemblances avec les noms d’origine basque. On peut donc émettre une hypothèse.

Cette région a été habitée par les mêmes populations que celles de l’Espagne du Nord : les Ibères. Cela veut dire que le peuplement s’est fait par le Sud.

Quelle  est la situation de la CORSE au début de la période qui nous occupe, c’est à dire la fin du 16ème siècle ?

 

C’est la fin d’une longue période de troubles qui ont agité le pays depuis le Moyen age. Le traité de CATEAU-CAMBRESIS qui consacre la domination de GENES sur la CORSE, la mort de SAMPIERO, l’abandon de la lutte  par son fils Alphonso d’ORNANO, signifie que GENES est sortie victorieuse du conflit.

 

La CORSE reçoit des institutions stables.

Le conseil des Nobles au sommet, alors qu’à la base, les institutions locales de la TERRA di COMMUNE avec les « pièves », les Communautés  organisées en Assemblée du Peuple et Officiers municipaux, sont étendus à toute la CORSE[6].

 

Il y a aussi une réorganisation religieuse avec le retour au calme les évêques rejoignent leur diocèse pour y mettre de l’ordre. Voilà  pour le côté positif de la fin du conflit.

 

Côté négatif il y a le fait que l’île a été éprouvée matériellement : vi1lages pillés et détruits, récoltes incendiées, il n’y a plus de grain pour ensemencer, l’insécurité est grande, les disettes ne sont pas rares.

 

L’activité économique est donc instable  car le travail de la terre a été plus ou moins délaissé. Cette mauvaise situation est complétée par le dépeuplement de l’île dû aux morts de la guerre, à l’émigration née de la crise économique. On pourrait ajouter les assauts des pirates barbaresques qui obligent les habitants à se retirer dans l’intérieur, sans parler du brigandage.

 

C’est donc sur une période de crise, ou de fin de crise, nuancée par l’efficacité de la mainmise génoise que s’ouvre le 17ème siècle.

 

Et BASTELICA qui connut les affres de l’oppression militaire génoise a certainement souffert de cette crise qui lui a fait perdre son meilleur fils.

 

Le contexte historique dressé, il nous faut maintenant définir dans quel cadre de recherche il convient de se placer.

 

Il y a au départ une contradiction avec BASTELICA, ce gros village si près l’une cité importante : AJACCIO. Le grand bourg qui semble indépendant et fermé n’est-il pas voué à l’autoconsommation, n’est-il pas dominé par la ville ? Y aura-t-il équilibre, c’est à dire stabilité économique et sociale, ou bien un nouvel équilibre ne menace-t-il pas de rompre le vieux système, après un long processus d’abandon du cadre traditionnel de vie ?

 

C’est dans des directions de cet ordre qu’il faudra orienter le travail.

 

Le plan que j’ai choisi comporte trois parties avec pour chacune trois subdivisions.

 

Ø La terre et les hommes, c’est d’abord la présentation géographique indispensable à la compréhension  de la vie, du travail, du mouvement d’une population sur un territoire donné. Ensuite il faut savoir comment ces hommes sont organisés dans la cadre de la communauté qui est celui de leur vie de tous les jours.

 

Enfin une communauté villageoise se définit avant tout par la masse humaine qui l’habite, en tenant compte des mouvements souvent contradictoires qui l’agite, et de son organisation traditionnelle au sein de la famille.

 

Ø La vie économique, c’est l’organisation du terroir, les produits que les hommes lui arrachent, ainsi que les problèmes que pose un système qui met directement en opposition deux genres de vie : celui du cultivateur, et celui du berger.

Enfin, c’est l’impôt qui pèse sur un village sans possibilité commerciale, parce qu’en dehors des routes importantes et trop éloigné de la mer.

 

Ø La dernière partie est plus difficile à construire, car elle correspond  à ce que l’on a appelé « la vie matérielle ».

J’ai choisi d’y parler de l’église, parce qu’elle représente le baromètre des préoccupations de la société villageoise. Enfin, on va parler de ces gens qui habitent le village, leur origine sociale, leur niveau de vie, leur mentalité, leur éducation, leurs mœurs, leur vie enfin.

 

Mais un plan ne doit pas être trop rigide, une prison en quelque sorte.  Tout sujet présente un danger, cache un piège. Ici, il faut éviter de procéder à une analyse statique (avec utilisation de textes) pour illustrer des choses qui sont connus en gros.

 

Il s’agit avant tout de relever des nuances, une spécificité, et  essayer de déceler une évolution.

 



[1] Monseigneur de la FOATA : « Recherches et notes diverses sur l’histoire de l’église en CORSE. » BASTIA 1895, Page 187

[2] C’est-à-dire la plaine, la plage de BASTELICA

[3] « SAMPIERO à BASTELICA » le petit BASTIAIS, 5 et 6 juin 1944.

[4] « Incendie de BASTELICA » dans BSSHNC 1890, page 180. Traduction LETTERON.

[5] Dominique FUMAROLI : « La pieve de BASTELICA, esquisse historico géographique ».

BASTIA  BSSHNC n° 425/428 2ème trimestre 1921.

[6] C’est la fin de la vieille  distinction entre le Nord, Cap CORSE excepté, aux institutions communautaires déjà

très actives, et le Sud soumis à l’emprise du régime féodal.