Aspects
de la vie sociale…|Les groupes sociaux | Mentalités
Parce qu’ils sont les
seuls à posséder un patronyme les « principali » sont avides de
titres honorifiques qui les distinguent du peuple.
Pour se différencier
du commun, ils font précéder leur noms de termes flatteurs : « nobili, signori, altissimi signori,…. ».
Le simple notable de
village qui n’a pas de patronyme se plait à faire précéder son nom de « Nobile, Gio ou Magnifico » titres souvent usurpés, car le terme
de « Magnifico »
est, par exemple, réservé pour le membres du conseil des anciens, alors qu’il
est souvent employé « à la légère » dans les actes notariés.
Autre caractéristique
de cette mentalité : Les Clans[1].
Dans un pays
montagneux comme la Corse, où les premiers habitants étaient des bergers vivant
en tribu, où les liens du sang sont très forts, l’isolement a maintenu vivace
pendant longtemps ces traditions anciennes. En général c’est le notable qui est
chef du Clan, c’est-à-dire d’à la tête d’un « parti » qui englobe les
membres de leur famille ec celles de leurs clients.
L’officier Picardie [2]note
très justement :
« On dit que le peuple est peuple partout dans l’île….. Je ne
conviens pas de cette vérité…..Tout particulier ici, qui avec un génie hardi,
un courage, quelques biens, et beaucoup de parents, instruit des intérêts de la
Nation, ce particulier est certain de se faire un parti. »
Pour indiquer la
puissance de quelqu’un, le langage populaire dit qu’il est « potente di robba e di persone » (c'est-à-dire qu’il est riche et qu’il a des partisans.
C’est ainsi, entouré
d’une clientèle plus ou moins nombreuse, qu’il faut se représenter le notable
du village. Ce qui explique que les principali ne forme pas une « classe » unie, mais
sont continuellement dressés les uns contre les autres pour conquérir ou
conserver la tête du clan. Les inimitiés
et les luttes ouvertes sont aussi vieilles que les clans.
Les notables des villages Corses vivent en
perpétuelle discorde pour de motifs souvent futiles.
Les registres des
Notaires de Bastelica sont riches en actes de réconciliation entre les notables
du village, qui sont de véritables petits traités de paix.
Ces rivalités sont
d’autant plus graves, qu’elles sont attisées par GENES qui s’applique à dresser
les principali
les uns contre les autres, selon le vieux principe « diviser pour mieux
régner ».
Le notable du village
est toujours prêt à intenter un procès, pour demander réparation d’un outrage, quand il n’exerce pas une
vengeance directe.
Ainsi, ce « gio » de
BASTELICA qui, se considérant insulté par Pietro Paolo (qui aurait dénigré les
membres de sa famille, en disant qu’il n’était pas bien apparenté), se vante
partout d’avoir comme parents un procurateur, un notaire et un tailleur[3].
Pour le notable ces
questions de préséance ont une grande importance et on risque toujours de froisser leur
amour-propre.
Si l’on excepte la
famille COSTA, qui domine les activités de la communauté (surtout dans le
domaine financier avec le recours à la rente constituée) , les autres « gio » du
village (ceux qui n’ont pas de patronyme) partagent les activités financières
et économiques avec le reste de la population ;
En définitive, ce qui
différencie surtout le « gio » du« popolo » c’est
sa mentalité, son orgueil, son attachement aux fonctions officielles.
Même s’ils ne sont
pas misérables, les gens du peuple doivent subir une certaine oppression de la
part des notables. Ces derniers n’hésitent pas à commettre des exactions, des
voies de fait sur le peuple même quand ils sont dans leur tort. On a vu un
exemple[4]
où l’autorité prévient le notable contre toute violence sur les bergers de
BASTELICA.
On a vu dans les
clauses religieuses des testaments des dons en grains aux pauvres du village.
C’est donc, contrairement à ce qu’affirme NICOT, qu’il y avait des pauvres à BASTELICA,
dépassés par l’évolution, endettés, qui subissaient l’exploitation des notables
ruraux. Ils n’ont qu’une maigre parcelle qui ne suffit pas à leur subsistance.
Il est difficile de
mesurer l’importance numérique de ces nécessiteux.
Ce que l’on peut
dire, d’après les registres des notaires, qui sont les seuls documents
exploitables en ce domaine, c’est qu’à BASTELICA l’opposition entre les
notables, les « gio »
et le« popolo »
ne se traduit pas par des différences considérables dans les opérations de tous
les jours.
Dans les ventes,
donations, échanges, dots et testaments, le « gio » et le « popolo » sont tour à tour
vendeurs, acheteurs, prêteurs ou emprunteurs.
Si on peut parler de
dépendance, elle est plus morale et politique qu’économique.